Une jeunesse avec Savard racontée par Pascal Hella (dit Yebab, à l’époque)
Juin 1976
J’ai 19 ans, et travaille comme maquettiste et illustrateur de La Criée, revue alternative marseillaise.
Le soir du bouclage du n°64/65 (spécial festivals), mon collègue et mentor Volny (dessinateur à Fluide glacial) a convié Didier Savard, Arlésien de fraîche date, à venir nous prêter main-forte en réalisant plusieurs illustrations ainsi qu’un article de deux pages intitulé : « La dialectique peut-elle rapporter des briques ? », qui traite de la culture bourgeoise. Je suis vite impressionné par cet aîné talentueux, économe en paroles mais doué d’un trait humoristique rapide et sûr.

C’est au sein de cette même Criée que Volny, Rougé et moi-même déciderons bientôt de créer le fanzine Mèfi! et une collection de BD aux éditions Encre Noire. D’octobre 1977 à septembre 1980, notre « mensuel convivial de divagation politique » accueillera des signatures telles que Savard, Schlingo, Léandri, Ramaïoli, Petit-Roulet, Filipandré, Ucciani, etc.

Avril 1979
C’est avec joie que je participe à la sortie du deuxième album des éditions Encre Noire (Label Mèfi! Production), réalisé par Savard : Demain ça ira encore mieux (recueil de ses dessins de presse d’alors, qui fait suite au Tout va bien de Volny), ainsi que, en octobre, à l’album de comptines La Puce et le pou, auquel Didier et Sylvie Escudié prêtent leur talent.

Août 1979
Première collaboration de Savard à Mèfi! (n°12), avec une illustration et une BD d’une page. Didier nous honorera ensuite de sa présence à chaque numéro, publiant notamment une parodie de Daudet, Les Lettres de Monboudin, dans nos deux suppléments Mèfi! l’illustré.

Août 1980.
Didier réalise la couverture de l’ultime parution de Mèfi! (n°18), à la funeste occasion du plastiquage de l’imprimerie Encre Noire par des nervis d’extrême-droite.

Mars 1982
Avec l’aide des éditions Artefact, nous diffusons nationalement le premier numéro de Transfert, mensuel de reportages et de BD (au sommaire : Liberatore, Franquin, Schlingo et d’autres pointures du 9e art européen). Las, notre principal sponsor disparaît dans les montagnes de Katmandou au moment de payer l’imprimeur.
Dommage : le n°2 devait notamment accueillir les 5 pages de la BD Rock au palace, dessinées par Savard sur un scénario de moi-même, contant les premières amours du prince Charles.

Dans le n°3, notre tandem avait prévu de publier Le matin des merdes de chien, 4 pages parodiant le best-seller de Bergier et Pauwels, également restées inédites.

Nos routes se sépareront alors, Savard poursuivant la sienne vers le succès que son grand art méritait, mais je reste à jamais très fier de la confiance que Didier me témoigna de la sorte.
Pascal Hella (novembre 2021) aka Yebab-le-jeune à l’époque de Mèfi!
Postface par Craig Nos
J’ai fait la connaissance de Pascal de manière inattendue par le biais d’une petite annonce concernant d’anciens n° de Mèfi!, fanzine auquel Savard avait collaboré avant de se lancer dans une carrière d’auteur de BD à succès avec les aventures de Dick Hérisson.
Le hasard est parfois un heureux entremetteur. Il se trouve que Pascal est l’un des cofondateurs de Mèfi!, qu’il a très bien connu Didier et qu’il habite de surcroît Marseille, près de chez moi… le courant passe entre nous et ce merveilleux article en est le fruit.
L’adjectif n’est pas excessif car le témoignage de Pascal nous éclaire sur une période méconnue de la trajectoire artistique de Savard, celle qui a précédé son grand saut professionnel dans la BD, et il permet aussi de mettre en ligne des documents exclusifs jamais publiés à ce jour. D’autres précieux documents seront diffusés dans un prochain sujet consacré aux années Mèfi!… un grand merci à Pascal Hella aka Yebab pour cette généreuse contribution à la biographie de Didier Savard !

